Prof. Didier Trono, Laboratory of virology and genetics, EPFL

Didier Trono est l'expert quand on vient à parler d’éléments génétiques mobiles, lesdits transposons. Depuis 1948, il est reconnu que certaines sections de notre ADN peuvent changer leur position dans le génome - ce qui peut avoir des conséquences dévastatrices et causer des maladies comme le cancer. Didier Trono et son équipe se penchent sur l'influence des segments d'ADN mobiles sur le développement et la physiologie des organismes supérieurs. Ses nombreuses publications sur le sujet ont été largement citées.

Plus de la moitié de notre génome est constituée de séquences dérivées de transposons. Ces éléments génétiques mobiles sont dans leur grande majorité inactivés par des mutations et des mécanismes de contrôle épigénétique. Exceptionnellement, ils peuvent s’insérer à un nouvel endroit de notre génome et y perturber d'autres gènes, ce qui peut provoquer des maladies. Mais d’une manière beaucoup plus générale les transposons sont d'importants moteurs de l'évolution et donc essentiels à la survie des espèces. « Nous étudions dans notre laboratoire comment la régulation de l’expression des gènes cellulaires par les transposons et leurs mécanismes de contrôle sous-tend tout le développement et la physiologie des espèces supérieures, y compris les humains», explique Didier Trono. Il ajoute: « certains de ces transposons sont des virus apparentés au VIH, qui ont intégré leur ADN depuis très longtemps dans le génome de nos ancètres, et ont depuis été domestiqués pour notre bénéfice »..

Certains mécanismes de contrôle des transposons sont eux mêmes exploités par des virus. C’est le cas du cytomégalovirus humain (HCMV). Environ 60% de la population dans les pays industrialisés est infectée de manière chronique par ce virus, habituellement depuis l'enfance. En règle générale, cela n’a pas de conséquence pathologique car le HCMV reste la plupart du temps dormant, ses épisodes de réactivation étant jugulés par le système immunitaire. Cependant, chez les personnes immunodéprimées par une maladie comme le SIDA ou par des médicaments immunosuppresseurs dans le cadre d’une greffe d’organe, ainsi que chez le fœtus en cas d’infection au cours de la grossesse, l’infection par le HCMV peut avoir des conséquences graves. Didier Trono et son groupe ont récemment découvert que la protéine KAP1, un important acteur du contrôle épigénétique des transposons, aide le HCMV à devenir dormant dans les cellules souches hématopoïétiques. A l’aide de substances qui inhibent KAP1, le virus peut être activé et détruit avec des médicaments antiviraux. « Cette découverte suggère qu’il devrait être possible d’éliminer le HCMV d’organes qui sont destinés à la transplantation, ce qui aurait un très fort impact sur ce domaine médical », explique Didier Trono. Avec son équipe, il teste désormais l'efficacité de cette méthode sur des cellules qui doivent être utilisées pour des greffes de moelle osseuse.

Pour la conduite de ses recherches, Didier Trono a reçu en 2010 l'une des subventions très convoitées du Conseil européen de la recherche de l’UE (Advanced Grants). Cependant, le financement de scientifiques actifs en Suisse est menacé depuis l'adoption de l'initiative de l'immigration de masse (février 2014). Actuellement, le gouvernement fédéral a mis en place une solution transitoire qui permet une participation partielle de la Suisse au programme Horizon 2020. Cela expirera fin 2016. Si aucune solution à la circulation des personnes et son extension à la Croatie n’est trouvée avec l'UE d’ici au 9 février 2017, cela aura un impact négatif pour la recherche en Suisse.

Didier Trono est né en 1956 à Genève où il a étudié la médecine. Après s'être spécialisé en pathologie, médecine interne et maladies infectieuses à Genève et au Massachusetts General Hospital de Boston, il a poursuivi une carrière postdoctorale au MIT. En 1990, il a fondé un centre de recherche sur le SIDA au Salk Institute de La Jolla, en Californie. En 1997, il a été appelé comme professeur à l'Université de Genève. Sept ans plus tard, il a rejoint l’EPFL pour y diriger la toute nouvelle  Faculté des Sciences de la Vie, une tâche qu’il a assumée jusqu’en 2012. Didier Trono se consacre aujourd’hui à la recherche, ainsi qu’au développement d’un programme national d’exploitation les nouvelles technologies biomédicales et de l’informatique dans le domaine de la santé.