Professeur Martin Jinek, Institut de biochimie, Université de Zurich
Martin Jinek était post-doctorant dans le laboratoire de la professeure Jennifer Doudna et était en train de conclure son projet lorsqu’il a eu l’occasion de commencer une collaboration avec la professeure Emmanuelle Charpentier. «Le fait qu’il existe des petits ARN dans les bactéries qui peuvent se lier spécifiquement à l’ADN a éveillé mon intérêt pour le projet», explique Martin Jinek. C’est ainsi qu’a commencé la success story qui a mené à la découverte d’un outil révolutionnaire pour la génétique moléculaire: le CRISPR/Cas9. Aujourd’hui, Martin Jinek cherche d’une part à mieux comprendre le mécanisme qui sous-tend le CRISPR/Cas9 avec des méthodes de biologie structurale. D’autre part, son équipe se concentre sur les complexes ARN-protéines et leur rôle dans la maturation et le métabolisme de l’ARN.
La cristallographie permet de représenter la structure atomique tridimensionnelle des complexes de protéines. «En 2014, nous sommes parvenus à montrer le mécanisme moléculaire de la protéine Cas9 en utilisant des analyses de la structure cristalline», souligne Martin Jinek. Il ajoute: «La structure explique comment une petite séquence dans l’ADN cible (appelé le motif PAM) provoque la liaison initiale avec la Cas9. En outre, la séquence rend possible la séparation du double brin d’ADN et l’hybridation subséquente de l’ARN guide sur l’ADN ». La publication correspondante est parue dans «Nature», revue scientifique de renom. Il est important de connaître le mécanisme dans ses détails pour rendre la méthode CRISPR la plus spécifique et efficace possible, et éviter les effets off-target, c.-à-d. les interventions non souhaitées.
A la mi-mars 2016, Martin Jinek et son équipe ont publié une autre étude sur le mécanisme de reconnaissance de l’ADN: le ciseau moléculaire Cas9 a besoin d’un motif PAM composé des éléments 5′-NGG-3′ pour se lier à l’ADN et donc initier des cassures double brin. «Cette séquence spécifique limite toutefois l’utilité du système», déclare Martin Jinek. L’équipe a donc employé la cristallographie pour analyser l’effet des variantes de Cas9 produites artificiellement sur la liaison avec la séquence PAM. Il ajoute: «Sur la base des résultats, nous comprenons comment ces variantes reconnaissent leurs motifs PAM et nous pouvons utiliser ces résultats pour la poursuite du développement de la technologie CRISPR/Cas9». Grâce à ces nouvelles variantes, des modifications encore plus précises peuvent être effectuées au niveau de l’ADN. En outre, il est possible de modifier d’autres régions qui ne pouvaient pas être influencées auparavant en raison de l’absence de la séquence PAM 5′-NGG-3′.
Martin Jinek est né en 1979 en Tchécoslovaquie et a étudié la chimie et les sciences naturelles au Trinity College de l’Université de Cambridge, où il a obtenu son Master of Science en 2002. Martin Jinek a ensuite effectué son doctorat dans le laboratoire du Dr Elena Conti dans le domaine de la biologie structurale à l’EMBL d’Heidelberg. Son intérêt pour les ARN l’a finalement mené en tant que post-doctorant à l’Université de Californie où il a complété l’équipe de la professeure Doudna. Depuis février 2013, Martin Jinek est professeur assistant à l’Institut de biochimie de l’Université de Zurich.