Professeure Barbara Rothen-Rutishauser, Institut Adolphe Merkle, Université de Fribourg

La professeure Barbara Rothen-Rutishauser est experte dans le domaine de l’invisible. Les nanoparticules, comme on les appelle, ne dépassent pas les 100 nm (1 millionième de millimètre) et pourtant, elles sont omniprésentes. Elles sont contenues dans les gaz d’échappement des voitures, elles peuvent être synthétisées, elles sont générées par le travail du métal ou sont naturellement présentes. La professeure Barbara Rothen-Rutishauser étudie l’interaction de différentes nanoparticules avec les cellules humaines et la manière d’utiliser ces découvertes pour le développement de nouveaux médicaments à inhaler.

Les nanoparticules modifiées, appelées nanoporteurs, devraient à l’avenir transporter les principes actifs jusqu’à leur destination précise, ce qui non seulement augmentera l’effet du médicament, mais réduira aussi ses effets secondaires. Actuellement, les particules modifiées d’or ou d’oxyde d’argent sont considérées comme les nanoporteurs les plus prometteurs, notamment en raison de leur biocompatibilité. La professeure Barbara Rothen-Rutishauser et son équipe ont voulu savoir si les particules d’or modifiées en surface avaient une influence positive sur les cellules du système immunitaire dans le poumon. L’étude portait donc sur la survie des cellules, leur réaction immunitaire, le phénotype des cellules ainsi que l’absorption et la transformation des antigènes par les cellules. Les chercheurs ont effectivement constaté que les particules d’or modifiées avaient un impact sur le système immunitaire et pouvaient déclencher une réponse spécifique. Cet effet pourrait par exemple être exploité dans le cadre du traitement de l’asthme, afin de protéger le poumon d’une réaction immunitaire incontrôlée.

Les nanotubes de carbone sont un autre type de nanoparticules. Il s’agit de l’un des matériaux les plus prometteurs pour le développement de l’ingénierie et des technologies biomédicales les plus récentes. Jusqu’à présent, on ne savait pas si une exposition involontaire et répétée aux aérosols, à un poste de travail dans le cadre de la production par exemple, pouvait avoir un effet négatif sur les cellules du poumon humain. Au printemps, la professeure Barbara Rothen-Rutishauser et son groupe ont publié leurs recherches concernant l’impact des nanotubes de carbone sur les cellules pulmonaires. Pour leur étude, ils ont utilisé un modèle de poumon 3D in vitro constitué de plusieurs types de cellules, ainsi qu’un dispositif de nébulisation des nanotubes afin de reproduire le plus fidèlement possible le processus d’inhalation. Grâce à leur modèle cellulaire en 3D, ils ont pu démontrer qu’une exposition répétée aux aérosols de nanotubes de carbone n’endommageait pas les cellules pulmonaires de manière significative, en comparaison avec les cellules contrôles, que ce soit au bout d’un ou trois jours. Des expositions uniques à concentration plus élevée, simulant l’inhalation des matériaux au poste de travail pendant plusieurs semaines, n’ont pas non plus révélé d’effet négatif sur les cellules.

Jusque là, ces études sur l’inhalation étaient surtout effectuées sur des rats. «Notre modèle cellulaire en 3D est mieux adapté que les cultures cellulaires en 2D pour simuler le risque posé par l’inhalation de nanoparticules pour le poumon humain», explique Barbara Rothen-Rutishauser. Elle ajoute: «Ce modèle permettra de réduire considérablement le nombre d’animaux de laboratoire.» Les professeures Barbara Rothen-Rutishauser et Vicki Stone de l’Université Heriot-Watt d’Edimbourg ont reçu en août une subvention de USD 200 000 de PETA International Science Consortium Ltd. afin de continuer leurs recherches et le développement de leur modèle cellulaire en 3D.

Née à Berne en 1968, la professeure Barbara Rothen-Rutishauser a fait sa thèse en biologie cellulaire à l’EPF de Zurich où elle a été nommée docteure en 1996. De 1996 à 2000, elle a été postdoctorante à l’Institut des sciences pharmaceutiques de l’EPF de Zurich. Elle a ensuite rejoint le laboratoire du professeur Peter Gehr à Berne où elle a étudié l’interaction entre les cellules et les nanoparticules, notamment dans le poumon. En juillet 2011, elle a pris la direction de la chaire des bionanomatériaux à l’Institut Adolphe Merkle de l’Université de Fribourg, aux côtés de la professeure Alke Fink.