Prof Dr. Dirk Schübeler, Friedrich Miescher Institute for Biomedical Research, Bâle

Dirk Schübeler est un chercheur de renom dans le domaine de la régulation épigénétique des gènes. En 2012, il a été accueilli à l’Academia Europea en raison de ses excellents travaux dans ce domaine scientifique.

Toutes les cellules de notre corps sont porteuses de la même séquence d’ADN. Une cellule de la peau doit cependant remplir d’autres tâches que celles propres à une cellule du cerveau. Les cellules ont pour cela développé un mécanisme leur permettant d’activer les gènes spécifiques dont elles ont besoin et de garder inactifs les autres gènes. Chez les eucaryotes, cette régulation repose sur l’action de facteurs de transcription – protéines activant ou empêchant l’expression des gènes – et sur la structure de la chromatine, une structure complexe constituée d’ADN, d’histones et d’autres protéines. Des mécanismes épigénétiques, tels que la méthylation de l’ADNet la modification des histones, déterminent la structure de la chromatine et régulent ainsi l’accès des facteurs de transcription à l’ADN. Des erreurs au niveau de la régulation épigénétique ont été associées avec un grand nombre de maladie - dont le cancer – et sont héréditaires. Dirk Schübeler et son groupe de recherche étudient, à l’aide d’outils informatiques et de méthodes de biologie moléculaire, de quelle manière les processus épigénétiques déterminent la structure de la chromatine et régulent ainsi l’expression des gènes.

« Nous travaillons avec des cellules souches pluripotentes. Ces cellules se prêtent parfaitement à notre recherche étant donné qu’elles ont la possibilité de se développer en un grand nombre de types cellulaires. », explique Dirk Schübeler. Les processus épigénétiques responsables de cette différenciation cellulaire peuvent être analysés précisément. « Il est important pour nous d’analyser la totalité du génome et de l’épigénome au cours d’une même expérience. Nous pouvons ainsi identifier quelles régions sont modifiées durant la différenciation cellulaire et, à partir de cela, développer des modèles de régulation », affirme Dirk Schübeler.

En combinant ces mesures expérimentales à un modèle informatique développé par le groupe d’Erik van Nimwegen (Biozentrum, Bâle), des facteurs de transcription contrôlant des modifications épigénétiques de la chromatine ont pu être identifiés. Les résultats de cette étude ont été publiés conjointement par les deux groupes en décembre 2012. « Ces résultats sont importants pour notre project SystemsX.ch < Cellplasticity > car ils prouvent qu’une approche basée sur la biologie des systèmes peut éclaircir les événements épigénétiques et transcriptionels ayant lieu durant la différenciation cellulaire », souligne Dirk Schübeler. SystemsX.ch est la plus grande initiative de recherche publique suisse dans le domaine de la biologie des systèmes s’appliquant à la recherche fondamentale.

Le motif de méthylation est là un thème intéressant. « Certains motifs spécifiques de méthylation de la base nucléique cytosine sont nécessaires au bon fonctionnement de nos cellules durant le développement et la régénération cellulaire. Ces méthylations influencent l’expression des gènes et définissent ainsi le destin des cellules », explique Dirk Schübeler. Des anomalies au niveau de ces motifs de méthylation ont souvent été corrélées avec certaines maladies. Bien que ces motifs de méthylation de l’ADN donnent l’impression d’être régulés de manière stricte chez les mammifères, la façon dont cette régulation a lieu n’avait pas été clarifiée jusqu’en 2011. «  Nous avons pu montrer que des Methylation-Determinating Regions (MDRs) – de petits fragments d’ADN– sont nécessaires à la méthylation de la base nucléique cytosine et que leur activité est dépendante du stade de développement de la cellule, de motifs spécifiques à des facteurs se liant à l’ADN, ainsi que de la présence d’un domaine à haute concentration en bases nucléiques cytosines et guanines », reporte Dirk Schübeler. Il a ainsi été prouvé que les MDRs sont nécessaires et suffisants à la régulation autonome des motifs de méthylation de la base nucléique cytosine, conduisant à la régulation de l’activité des gènes. « Il est fascinant de réaliser que la séquence d’ADN régule elle-même cet important processus. On peut alors s’attendre à ce que les différences au niveau de la séquence d’ADN entre individus mènent à des motifs différents de méthylation, déterminant ainsi l’état de santé (malade/sain) d’un individu », explique Dirk Schübeler.

Le Prof Dr. Dirk Schübeler est né le 8 mai 1969 à Helmarshausen. Après avoir étudié la biologie à l’Université technique de Braunschweig, il a effectué un doctorat dans le domaine de la régulation génétique. C’est au cours d’un postdoctorat dans le laboratoire de Mark Groudine au Fred Hutchinson Cancer Research Centre de Seattle qu’il a alors approfondi son intérêt pour l’épigénétique. En 2003, il a été nommé chef de groupe junior, puis en 2008 senior, au Friedrich Miescher Institute for Biomedical Research de Bâle. En 2011, l’Université de Bâle lui a conféré le titre de Professeur titulaire en épigénétique.