Prof. Dr. Martin Fussenegger, Department of Biosystems Science and Engineering (D-BSSE), ETH Zurich à Bâle

Peut-on construire une calculatrice à partir de cellules vivantes? Ce sont sur de telles questions que se penche Martin Fussenegger, un expert dans le domaine de la biotechnologie et de la biotechnique. Sa recherche aide de manière significative au développement de médicaments.

Il y a environ une année, Martin Fussenegger et son doctorant Simon Ausländer ont réussi à produire la première calculatrice faite à partir de cellules mammifères – une invention sensationnelle. « Ce qu’il y a de particulier avec ce système c’est, qu’au contraire d’une calculatrice électronique, deux signaux input et output peuvent être traités en parallèle », souligne Martin Fussenegger. En guise de signaux d’entrée, les chercheurs ont utilisé l’antibiotique nommé érythromycine et la phlorétine, une molécule isolée des feuilles de pommiers. Si les deux molécules sont présentes, un circuit génétique est actionné et la production d’une protéine fluorescente en découle (UN). Si une des deux molécules manque, aucune protéine fluorescente n’est alors produite (ZERO). L’activation de divers signaux en même temps a alors permis le développement d’un bio-ordinateur. « Dans le futur, il sera peut-être possible d’identifier, à l’aide de ce système, les produits métaboliques liés à certaines maladies, ce qui permettrait par la suite, la distribution de molécules thérapeutiques spécifiques, comme par exemple, l’insuline. », espère Martin Fussenegger.

En dehors de sa recherche sur les circuits génétiques, le groupe de Martin Fussenegger s’intéresse également à la thérapie génique. Le syndrome métabolique est un facteur de risque déterminant pour les maladies coronariennes. Un manque d’activité physique et une mauvaise nutrition sont les éléments déclencheurs de cette maladie et mènent à une surcharge pondérale, à une hypertension ou encore au développement de diabète. Martin Fussenegger et son équipe ont utilisé, dans le cadre de leur recherche, des souris obèses chez lesquelles l’hormone responsable de la sensation de satiété, nommée leptine, n’est pas produite. Ces souris ont donc continuellement faim. Ils ont implanté, sous la peau de ses souris, un voie de signalisation synthétique activée par le médicament hypotenseur nommé Guanabenz. Sous l’action de ce médicament, une réaction en chaîne est déclenchée, menant à l’élévation de la concentration, dans le noyau cellulaire, de la protéine nommée GLP1. En conséquence, la concentration de sucre dans le sang baisse et la protéine leptine est activée. La leptine atténue alors la sensation de faim. « A l’aide de ce circuit génétique, tous les déclencheurs du syndrome métabolique ont pu être combattus. », explique Martin Fussenegger « on est cependant encore loin d’une possible utilisation chez l’homme », ajoute-t-il.

En mai 2013, Martin Fussenegger et son équipe ont publié leurs découvertes sur la fonctionnalité et la dynamique de facteurs de transcription dits bipartites. Il s’agit de protéines qui régulent l’activité de nos gènes, en les activant ou en les réprimant. Au contraire des facteurs de transcription traditionnels, les facteurs de transcription bipartites sont capables de réguler de manière ciblée l’activité de plusieurs gènes en même temps. « Des facteurs de transcription bipartites produits synthétiquement sont donc, de par leur fonction, des molécules très intéressantes pouvant mener au développement de petits déclencheurs génétiques thérapeutiques dans le cadre de thérapies génétiques ou cellulaires utilisées, par exemple, pour le traitement du cancer. », rapporte Martin Fussenegger.

Martin Fussenegger naquit en 1968 à Bâle. En 1992, il obtint son diplôme en biologie moléculaire et en génétique de l’Université de Bâle et en 1994 son doctorat, effectué dans le domaine de la microbiologie médicale à l’institut Max Planck de biologie de Tübingen. En 2000, après un post-doctorat à l’institut Max Planck de biologie infectieuse de Berlin, il passa son agrégation à l’école polytechnique fédérale de Zurich (ETHZ), dans le groupe de James E.Bailey. En 2002, il obtint une bourse de professeur boursier du FNS et en 2004 une place de professeur ordinaire en biotechnologie et bio-ingénierie à l’ETHZ. De 2006-2008, il dirigea l’institut de chimie et de bio-ingénierie. En 2009, il déménagea à Bâle afin de mettre en place le département des biosystèmes de l’ETHZ et en prit dès lors la direction.